1/11/2010

Locataire squatteur indésirable

Même si c'est insupportable, je ne peux pas l'expulser en ce moment. Pas avec le froid qu'il fait. Déjà, la loi est de son côté en ce qui concerne les expulsions. Il faut que j'attende le mois de mars il me semble. Ceci étant, la loi ne l'autorise pas non plus à squatter impunément cette partie de logement qui m'appartient et dont, après tout, je peux jouir comme bon me semble. Comme je déteste les procédures juridiques ou administratives, je suis épuisé d'avance de me lancer dans une telle démarche. Elle doit le savoir, inconsciemment. Elle est perfide.

Ajoutez à cela le fait qu'elle est somme toute assez répugnante. Non pas que j'attache grande importance à l'apparence physique pour juger autrui, mais là il faut bien reconnaître que l'objectivité des canons de la beauté ne peut que m'accorder un crédit de bon sens. Elle est hideuse. Elle est moche. J'essaie bien de lui rendre la vie impossible en allant chercher de temps en temps des affaires à moi, à n'importe quelle heure, sans prévenir. J'allume la lumière et je la vois. Imperturbable, elle me regarde de ses deux petits yeux noirs de jais, le regard mauvais. Comme pour s'amuser, de temps en temps, elle déploie ses longues pattes et fait mine de bouger. J'avoue battre en retraite assez vite. J'éteins. Je sors. Mais tu ne perds rien pour attendre.

Dès qu'il fera un peu meilleur, je prendrai sur moi de devenir hargneux et sans pitié. Ou elle capitulera et s'enfuira sans autre forme de procès, ou je suis prêt à la tuer.  Oui, je sais que vous allez me juger. Mais vous m'amusez avec vos grands discours moraux et humanistes. Toujours facile de se mettre à la place des autres en préjugeant de ce que l'on fera dans telle ou telle situation. Ah, ça, par contre, quand vous êtes dedans, on entend plus une mouche qui vole. En silence, vous devenez aussi faible et misérable que la plupart. Seuls quelques uns, inconscients, ont une mauvaise réaction qui les grandissent au regard des autres. Mais pour la plupart, c'est une simple question de survie. Un réflexe bien loin des grandes envolées morales sur l'art de bien vivre en communauté, ou dans le respect de l'autre.

Franchement, si vous aviez une araignée aussi grosse que moi dans votre garage, je parie que vous n'auriez pas de meilleurs intentions que les miennes.