Mon gros lapin blanc,
M. d'Ormesson, j'avais l'intention initiale de vous interpeller "Maître", mais j'ai découvert entre temps que vous aviez répondu à Laurent Gerra que l'on pouvait vous appeler ou bien "Maître", ou bien "Mon gros lapin blanc". Ce fût d'ailleurs un étonnement de me découvrir autant de points communs avec Laurent Gerra au travers de sa critique concernant votre ouvrage : la découverte d'auteurs que j'étais censé connaître mais que vous faites découvrir mieux que quiconque, Juliette Récamier, Cioran (qui fera certainement partie de mes prochaines lectures), cet adage latin "des livres ou des enfants"... si ce n'était irréaliste, je jurerai que Laurent Gerra s'est introduit dans mon cerveau en train de réfléchir à ce que je pourrai dire de votre livre. Il n'y a qu'un point sur lequel je ne suis pas d'accord avec vous c'est votre formule concernant l'informatique. Promis, je vous expliquerai pourquoi dans une note prochaine.
"Odeur du temps" est un recueil de vos chroniques publiées dans Le Figaro depuis, depuis bien des années en somme puisque vous avez démarré l'année où mes parents se sont donnés pour se survivre, à ma plus grande satisfaction quelques mois plus tard. "Odeur du temps", avec vos précédents ouvrages sur la littérature française (Une autre histoire de la littérature française I et II), devrait être obligatoire à l'achat de tout lycéen alors qu'il va commencer à se voir imposer des lectures surgies d'un autre temps, qu'il va devoir caser entre quelques SMS, quelques blogs, quelques émissions TV. Pour ma part, ces trois ouvrages sont à l'entrée de ma bibliothèque. Ils sont mon recueil, mon index, avant de me rendre chez mon libraire préféré - j'ose vous le dire, c'est un libraire virtuel du nom d'Amazon, mais qui permet de recevoir des objets réels que l'on prend plaisir à corner pour en marquer tous les endroits mystérieux qui nous ont un instant donné exaltés. Il me suffit d'ouvrir Odeur du temps au hasard pour sélectionner un ouvrage, ou un auteur à lire assurément. Pour tout vous dire, j'ai égaré votre premier tome. A un ami qui me demandait il y a quelques années ce qu'il pouvait recommander à son amie américaine qui souhaitait en connaître un peu plus sur la littérature française, je lui ai confié en prêt le premier des tomes car cela me semblait le meilleur ouvrage qui fût pour qu'un étranger comprenne, un peu, l'histoire de nos lettres. Celle-ci s'en est allée avec mon livre, malheureusement (ou heureusement si l'on considère qu'un tel ouvrage circule quelque part aux Etats-Unis).
Je vous en veux un peu Mon gros lapin blanc de n'avoir écrit ces livres plus tôt, du temps où j'étais lycéen et que je ne comprenais pas toujours l'intérêt de lire ce que l'on nous imposait. Ce qu'il me manquait, je m'en rends compte à présent, c'était le contexte du récit, l'histoire qui va autour. Mais c'était surtout cette qualité que vous avez de donner envie. Lorsque vous présentez un livre ou un auteur, on commence déjà à rêver, et on regrette immédiatement de ne pas avoir le dit ouvrage sous la main pour en attaquer aussitôt la lecture et découvrir ce qui vous met dans de tels états de joie et d'intelligence. Ce qui vous caractérise le mieux c'est sûrement l'érudition, mais teintée de légèreté, d'un presqu'humour anglais et d'une écriture simple. Du reste, lorsque vous même portez le masque de l'auteur et nous offrez La douane de mer, l'Histoire du juif errant, la création du monde... c'est un enchantement autrement plus intelligent que le Da Vinci Code. Le résultat est le même, on ne lâche pas l'ouvrage jusqu'à la fin, mais on en sort un peu moins abruti. Vous êtes un serrurier mon Gros lapin blanc. Les livres ont des serrures. Vous avez les clés. Vous nous les offrez.
Ce que je pressens mon Gros lapin blanc, c'est que votre intelligence et votre esprit vont plus vite que votre plume et qu'il faudrait que la Pensine de Dumbledore existât vraiment pour que nous profitions encore longtemps de vos analyses et de vos récits. Hâtez-vous d'écrire, encore.
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