Au début étaient les chiens. La planète était investie par les chiens qui étaient l'espèce dominante. Les différentes races de chiens ne se fréquentaient guère, ou alors pour se la faire, la guerre. Mais tout cela restait bon chiot malgré tout. De simples batailles de territoires, ou plus bêtement la peur de l'autre. Il a toujours été plus simple pour les chiens de détruire ceux qui étaient différents.
Malgré tout, quelques chiens éclairés, que leurs congénères qualifiaient de marginaux, n'hésitaient pas à s'engager seuls sur des terrains inconnus et à entrer en contact avec les chiens d'une autre race qu'ils croisaient. Protégés par on ne sait quelle aura, ces chiens ne provoquaient jamais la furie meurtrière de leurs rencontres. C'est ainsi qu'ils arrivaient à échanger et à transmettre aux uns et aux autres que les autres et les uns ne constituaient pas forcément un danger, mais pouvaient bien souvent être source d'enrichissement. Des histoires communes aux différentes races de chiens commencèrent à voir le jour, qui se transmettaient de gueule à oreille.
Petit à petit, les chiens développèrent une forme de confiance a priori envers leurs congénères, même si ces derniers n’étaient pas de leur race. Au moins, ils étaient des chiens, pas ces cochons sauvages, ces poules, ces lapins, ces chèvres... tous animaux très inférieurs à ce qu’étaient les chiens. C’est ainsi que naquirent les premiers chiens métis. Les chiens métis avaient la faculté de pouvoir s’adapter aux uns et aux autres et avaient par ailleurs beaucoup de facilité à développer des contacts avec les autres races de chiens métis. Ainsi petit à petit se créaient de nouvelles races.
La situation commença à se dégrader lorsque des chiens extrémistes, de race pure, décidèrent que eux seuls pouvaient représenter la vraie race des chiens. Ils commencèrent par refuser toute forme de contact et de dialogue avec les chiens métis. Mais le nombre des chiens métis augmentaient et les territoires devinrent de plus en plus étroits pour que tout ce petit monde puisse vivre séparément. La pression sur les territoires des races pures commençait à devenir importante. Les chiens de race pure , au début, se contentaient de massacrer les métis qui avaient l’impudence de vouloir prendre patte sur leurs territoires. Mais les chiens de race pure comprenaient qu’ils auraient du mal à lutter contre le nombre. Aussi décidèrent-ils de changer de tactique. C’est ainsi qu’ils commencèrent à mener des razzias sur les territoires des métis pour s’emparer de chiots métis qu’ils conditionnèrent pour les servir, leur faisant exécuter les tâches les plus basses qu’un chien puisse confier à son meilleur ennemi, comme le ramassage de ses excréments par exemple. Ils les nourrissaient peu et leur interdisaient du reste de chasser pour eux-mêmes leur nourriture, considérant qu’eux seuls pouvaient user de ce que la nature leur offrait. Bien entendu, les races pures pratiquaient le contrôle des naissances afin de toujours garder le contrôle de leurs esclaves. Mais la pression aux frontières continuait d’augmenter. C’est alors que les races pures décidèrent de croiser certaines races de métis entre elles afin d’en faire des chiens de garde pour certains, des chiens de combats pour d’autres.
Les chiens métis des territoires libres, de leur côté, décidèrent que les races pures n’avaient plus leur place sur cette planète. Ils considéraient qu’il était contre nature de ne pas croiser les races entre elles pour que chacun constitue une partie du tout. Selon eux, les chiens de race pure ne pouvaient qu’être débiles à force de ne se reproduire qu’entre eux, empêchant toute forme de régénération du sang. Certains considéraient d’ailleurs que le sang des chiens de race pure devait être bleu à force de manquer d’oxygène.
C’est ainsi que la situation s’envenima et dégénéra. Les premières guerres provoquèrent de terribles pertes de part et d’autres. Certains conflits décimaient des générations entières, ce qui avaient pour effet de laisser suffisamment de place aux un et aux autres pour continuer à vivre en s’ignorant et ainsi de calmer les esprits quelques décennies. Mais toujours la pression démographique revenait. Mais toujours, les chiens gardaient en tête cette rancune contre les autres qui avaient participé à la perte d’un parent, quand il ne s’agissait pas d’une portée. Les conflits se multipliaient à un rythme effréné, toujours accompagnés d’aboiements, de hurlements, de couinements. La planète n’était plus qu’une longue complainte.
Tant et si bien que Dieu qui commençait à en avoir plein les oreilles de ce vacarme assourdissant et “une tête comme ça” à force d’entendre gueuler en permanence, décida que cela suffisait et qu’il fallait mettre un terme à tout ça. Piquant une de ses colères dont il a le secret, sans chercher à savoir qui de Pierre, Paul ou Jacques comme on dira plus tard, avait tort, il déclencha séismes, tremblements de terre, explosions de volcans, tornades, raz de marée... tout ce dont il était capable lorsque la colère divine le prenait et le rendait incontrôlable. Les chiens explosèrent et volèrent dans tous les sens, culs par dessus tête. Lorsque tous retombèrent et reprirent leurs esprits, ils constatèrent que tous s’étaient mélangés. Au point que chacun avait été reconstitué de différents morceaux des uns et des autres.
C’est ainsi que depuis lors, la principale préoccupation d’un chien est de renifler le cul de ses congénères, à la recherche du sien.
Après s’être calmé, Dieu se dit que les chiens ne lui avaient pas fait honneur et décida alors de créer un être à son image, l’Homme. Seuls certains sages connaissent cette histoire par nous autres oubliée. Il faudrait qu’on les entende lorsqu’ils nous mettent en garde que nous nous comportons comme des chiens.
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