Mon gros lapin blanc,
Comme je vous l'exposais précédemment, je ne suis pas d'accord avec vous quant à votre position sur l'informatique que l'on trouve dans votre livre Odeur du temps : " L'informatique fournit des réponses, ce sont surtout des questions qu'on va chercher dans les livres."
L'informatique n'est qu'un outil. Elle n'est que ce que l'homme en fait. Lorsque je vous lis dans Le Figaro on-line, il s'agit bien des mêmes mots et interrogations que ceux qui sont édités dans la version papier. La littérature a existé avant Gutenberg. Elle existera bien après l'informatique que nous connaissons. Les libraires existent depuis la Grèce. Je doute que les librairies de l'époque ressemblaient aux librairies du siècle dernier. Pas plus que les librairies actuelles ne ressemblent à Amazon. C'est pourtant le même métier. Etre un lieu où des auteurs vont rencontrer des lecteurs. Comment pourrai-je vous expliquer que l'informatique, surtout avec le développement de la connexion en réseau, n'est qu'un pas de plus depuis Gutenberg. Depuis quelques années, Internet est devenu une vaste anit-chambre de production littéraire. Je sais qu'on aura beau jeu de comparer les ouvrages classiques avec quelques sites pris au hasard chez Skyblog pour en conclure que la comparaison est impossible. Vous ne me ferez pourtant jamais croire qu'aux siècles précédents, tout le monde avait le talent d'un Hugo, d'un Maupassant, d'un Chateaubriand, d'un Musset, d'un Baudelaire...etc. Ces gens là n'étaient qu'une petite élite qui produisaient des textes pour une élité à peine plus importante. Si l'on avait eu les moyens de conserver les traces littéraires des communs des mortels de l'époque, cela serait certainement aussi affligeant que ce que nous lisons parfois au travers d'Internet. Au début, peu de gens écrivaient, peu de gens lisaient. Avec l'imprimerie, peu de gens écrivaient, beaucoup pouvaient lire. Désormais, beaucoup peuvent écrire, beaucoup peuvent lire. Il ne s'agit toujours que de littérature ! Je vous l'assure. De la mauvaise littérature en général, mais bien réelle, d'où peuvent se détacher quelques perles de talents. Qui puis-je vous conseiller : une Anne Archet dont les petits écrits sont toujours trucculents, un Ron l'infirmier, un Versac (dans un style moins romanesque mais où l'on sent une "plume" certaine), un Vinvin...(pardon pour les autres, mais je ne cherche pas à faire ici un classement) il y en a des milliers comme cela qui sont doués d'écriture et dont, comme pour certains romans, on a du mal à lâcher l'écran lorsqu'on commence à les lire. Certains ont déjà d'ailleurs attaqué leur mue pour être édité sous forme papier. Il n'en reste pas moins vrai que leur véhicule premier c'est l'informatique. Mais leur talent, ils ne le doivent ni à l'informatique, ni à d'autres moyens de transcriptions. D'ici peu le papier aura disparu. Certes on ne pourra pas corner la page de l'écran plastique souple que l'on aura en main, on stockera la dite page dans un signet électronique. Cela n'aura pas l'odeur du carton et de l'encre. Mais bon, nos papiers d'aujourd'hui n'ont certainement rien à voir avec nos parchemins d'antan. Je crois me rappeler que Claude Imbert dans un édito du Point avait parlé de ces lecteurs d'époque qui ne supportaient pas les nouveaux livres issus de l'imprimerie par comparaison avec les ouvrages réalisés par les moines copistes sous le prétexte que les premiers étaient forts laids et sentaient mauavis. Je vous concède que ce qui est perturbant, c'est qu'il n'y a plus de filtres entre les auteurs et les lecteurs. Mais les filtres eux-mêmes peuvent avoir leur ratée. Proust n'a-t-il pas eu besoin de s'éditer à compte d'auteur pour "A la recherche du temps perdu", son manuscrit ayant été refusé par le comité de lecture de la maison Gallimard (merci Gide) ? On n'est pas passé loin de la catastrophe, non ? Peut-être avons-nous déjà vécu une catastrophe sans le savoir ? C'est sûrement Borges que vous connaissez bien qui donne la meilleure définition de ce qu'est un blogueur : "Je n'écris pas pour une petite élite dont je n'ai cure, ni pour cette entité platonique adulée qu'on surnomme la masse. Je ne crois pas à ces deux abstractions, chères au démagogue. J'écris pour moi, pour mes amis, et pour adoucir le cours du temps."
Ce qui me chagrine le plus, c'est que comme lors de tous les changement d'époque, les acteurs économiques ont du mal à se remettre en question. Les Editeurs devraient être les premiers à s'impliquer dans le capital des plates-formes d'hébergement de blogs, qui sont des maisons d'éditions qui s'ignorent. Si ces entreprises de services en ligne n'étaient pas seulement aux mains d'ingénieurs informatiques et autres marketeux... Saviez-vous que la plupart des gens qui écrivent au travers de l'informatique et publient sur Internet payent pour cela ? Ce devrait être l'inverse pour bon nombre. Les lecteurs dans les maisons d'éditions devraient passer du temps à aller dénicher des blogueurs ayant du talent. Les maisons d'éditions devraient travailler au transfert d'auteurs de blogs ayant du succès pour les rapatrier chez eux, dans leur section édition de livres, ou éditions électroniques. Je me permets de vous citer (8 mars 1980 à propos de l'entrée de Margurite Yourcenar à l'Académie) : "Comment sortir du guépier ? Il m'a semblé - me trompé-je, que le meilleur moyen, et sans doute le seul, était de parier sur le talent."
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