9/07/2007

Le rrrrru...by

Je me souviens des ces odeurs de camphre, d'élasto, de vaseline, de cirage, de maillots tout frais, de la pelouse humide, de la terre. Du bruit des crampons dans les couloirs, de la tension silencieuse, du discours lointain des quelques meneurs rappelant les règles de base, la solidarité, le combat. Je me souviens de ces envolées où, quand tout fonctionnait - et cela arrivait parfois, nous nous prenions pour des All Blacks. Je me souviens de cette équipe de lycéens qui inventait des combinaisons en touche que nous nous faisions un malin plaisir d'intituler des noms les plus abscons à base de Pythagore, Epsilon, Sigma... C'est un jeu d'intellectuels physiques. De ce pilier qui participait au concours général de latin, tout en étant un des meilleurs scientifiques du lycée, et un spécialiste du coup de tronche pour expliquer dès la première mêlée qui était le patron. Le bruit du talonneur qui tape sur l'épaule du pilier pour indiquer qu'il faut introduire la balle. Je me souviens de ce Gaulois (à cause de ces moustaches à la Vercingétorix) qui, talonneur trappu comme il se doit, courait comme un lapin et prenait un malin plaisir à se joindre aux lignes de trois quarts - c'était l'époque où la norme était de composer une équipe avec des gros lents et des gazelles fluettes. Il y avait aussi ce pilier qui avait une détente sèche d'1,20 mètre qui surprenait tous les preneurs de touche adverses. Celui que l'on appelait Le Pape dont une main pouvait contenir un ballon et 3 têtes, et qui assurait la police  à coups de ses larges battoirs au sein des mêlées, cet endroit où les joueurs se réunissent pour dire du mal de l'arbitre. De ce match où des adultes qui ressemblaient ce jour là à des enfants d'école maternelle parcequ'ils trouvaient que décidément, l'engagement était trop rude. Nous rigolions de leur faiblesse... Jusqu'à la fois suivante où c'était notre tour de se faire châtier. Ce grand dadais qui s'amusait à me buriner le visage au sein du regroupement et qui, comme je le regardais en lui demandant s'il voulait de l'aide, avait eu cette tête de gamin pris en flagrant délit. Il avait rougi me semble-t-il. Ce placage, moment unique dans une vie, où l'on vit l'expérience de la quantité de mouvement et où l'adversaire ne pèse rien. Cet autre placage, qu'il faut assumer parce que ce monstre a réussi à déborder vos troisième lignes, et que ce coup-là, vous n'y couperez pas, c'est pour vous :"P'tain, t'es lourd !" "120 kilos gamin..." Les efforts des entraînements. Les courses, les placages, les pompes, les automatismes sans cess réappris... Le froid, la pluie, la neige même, mais finalement ce bien-être au bout de quelques minutes. Et puis, le boudin froid que nous apportait le boucher de l'équipe (c'était son métier, pas son surnom. Quoique...) que nous dégustions simplement avec du pain et du beurre, et un coup de rouge. Ce café où nous nous étions arrêtés et où nous avions mis les propriétaires en vacances, nous occupant de tout. Ces déplacements où l'on mettait plus de temps pour rentrer d'un voyage de 70 kilomètres que l'équipe qui était partie jouer à 500 kilomètres de là... Ces apéros d'après match qui permettent de diluer les courbatures et désinfecter les coupures aux lèvres, qui n'en finissaient pas car il y en avait toujours un qui n'avait pas offert sa tournée. Les dîners qui s'ensuivaient dans ce café qui nous était réservés, dont le rideau était tiré comme dans ces films où le Clan est réuni.



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